Armand Romieu Maire d'Agde de 1878 à 1881

C'est en mars 1878 qu'Armand Romieu devient Maire d'Agde pour la première fois avant d'être une nouvelle fois élu en décembre 1882, succédant ainsi à André Merliac.

Dans ce premier volet du dossier consacré aux municipalités d'Agde entre 1878 et 1900, nous nous attacherons au premier mandat de Romieu avant de voir tour à tour, dans nos prochains numéros, la Ville sous la municipalité Merliac puis sous le deuxième mandat d'Armand Romieu.

Armand Romieu est né à Agde le 28 novembre 1830. Il est le fils de Jean­Pierre Romieu, négociant en vin et ancien Maire d'Agde et de Marie Brémond, sans profession. Marié à Clémence Portal le 17 décembre 1855, il est lui-même négociant en vin et réside rue de la Poissonnerie, où il mourra le 13 mars 1891 à l'âge de 60 ans.

C'est après les élections de 1878 que Coste­Floret convoque le nouveau conseil municipal élu et donne lecture du décret du Président de la République, Patrice de Mac Mahon, qui nomme comme Maire Armand Romieu et comme Premier et Deuxième Adjoints, MM. Daurel et Fayn. Armand Romieu était précédemment le Premier Adjoint d'Antoine Coste-Floret, qui lui­ même fut Maire de 1853 à 1878. La Municipalité Romieu s'inscrit donc dans la continuité de l'action menée par Coste-Floret, qui reste, au sein du Conseil Municipal, "secrétaire trimestriel permanent" .

Prendre la suite d'Antoine Coste-Fleuret n'est toutefois pas chose aisée. En effet, ce grand personnage, dont nous avons déjà largement présenté l'action dans un précédent journal (voir le numéro de février-mars 2003), a fait faire à la ville un grand pas vers la modernité et l'a de fait durablement marqué de son empreinte. L'époque est aussi marquée par la crise viticole du phylloxéra. Il en résulte qu'Armand Romieu, dont le premier mandat sera court, seulement 3 ans, n'aura pas la possibilité d'engager des investissements coûteux. Il se contente donc de gérer au mieux le quotidien et l'héritage du Maire précédent. Les budgets successifs sont toujours en déficit et Armand Romieu devient alors un expert en "équilibrage de finances publiques". Transferts de budgets, plans prévi­sionnels à long terme, délais de paiements, augmentation et création de taxes, annulations de travaux prévus et prêts de vaste ampleur sont le quotidien de la Mairie en ces temps de vaches maigres. Armand Romieu sera remplacé par André Merliac le 27 janvier 1881 et lui succédera le 03 décembre 1882 en redevenant Maire pour trois nouvelles années.

Le phylloxéra, la cause de presque tous les problèmes

Le phylloxéra, ce minuscule puceron qui s'attaque aux racines des vignes en les détruisant, arrive vers 1870 aux portes de la région. Les vignobles agathois sont atteints dans les années qui suivent. Afin de traiter ce fléau, les viticulteurs utilisent la méthode dite "Planchon" qui consiste à inonder les vignes durant les mois d'hiver afin de noyer l'insecte. La fourniture en eau est donc vitale et les projets de dérivation vers le sol agathois, pourtant baigné par l'Hérault, ne manquent pas.

Le Conseil Municipal donne ainsi son aval à la construction du Canal du Rhône vers Béziers en mars 1878, puis en novembre 1878, à celle du canal de dérivation de l'Orb depuis Roquebrun "pour aboutir à l'Hérault dans la Commune d'Agde". Ce dernier devant également permettre la navi­gation, il est "considéré comme d'une grande utilité publique et (le Conseil Municipal) exprime le vœu que son exécution soit favorisée par les concours et subventions de l'Etat". Ces deux projets n'aboutiront pas et la vigne agathoise périclitera.

En septembre 1879, le constat est sans appel: "il n'existe plus de vigne dans cette vaste partie du territoire que l'on appelait le Soubergue*, et qui produisait les 4/5èmes de la récolte. La plaine est attaquée par le fléau et sa production ne sera pas la moitié d'une récolte ordinaire. Prise dans son ensemble, la récolte totale de la commune ne sera plus du 10ème d'une récolte ordinaire".

La taxe sur le vin, "l'abonnement aux vendanges" payée par la ville depuis 1830, pourtant liée à la quantité de la production, ne baisse pas. Ceci est dû à une différence dans le comptage des comportes entre la Mairie et les Contributions Indirectes qui, même après recomptage, argu­mente - étonnamment - du fait que malgré sa contestation, la Mairie avait tout de même payé la taxe l'année précédente, soit 16 574,70 F pour 7 577 hectolitres sur la base de la récolte de 1878. La commune, qui n'a pas les moyens d'y faire face, vote "une taxation de 16 centimes sur les 4 contributions à percevoir en 1880". Cette année-là, la Préfecture demande 13 098 F . Armand Romieu n'a prévu au budget que 12 431 F. La même taxe de 13 centimes est donc appliquée pour 1881.

La course à l'équilibre budgétaire

Dès le 15 juin 1878, c'est l'avènement des déficits. 2 721,44 F manquent déjà en caisse. La ville ne perçoit plus l'octroi sur les sucres et cafés, la taxe sur les denrées coloniales ayant été supprimée (ce qui représente 10 000 F de recettes en moins) et les produits des taxes escomptés se révèlent inférieurs à ceux qui étaient prévus au budget général de 153 300, 97 F. La taxe sur les œufs est relevée à 10 F pour 100 kg et le Conseil Municipal vote un centime addi­tionnel sur les denrées de l'octroi car ce dernier est passé de 89 912,24 Fen 1875 à 69909,75 F pour 1877. Ces taxes supplémentaires sont prévues jusqu'en 1882, date à laquelle "finissent les charges résultant pour la ville du service des deux emprunts qu'elle a contracté, l'un pour la construction de son usine à gaz, l'autre pour la construction de l'abattoir", soit 21 000 F par an.

En septembre 1878, on ajoute une taxe sur les raisins secs et avariés qui servent à fabriquer des alcools, de 10 F pour 100 kg, puis sur les "raisins de table ou de luxe". En novembre 1878, le constat est net: les déficits sont une fois de plus à l'ordre du jour du Conseil Municipal: " 783 F pour l'administration générale, 200 F pour la police, 550 F pour l'éclairage public, 600 F pour la "dépense des aliénés", 0,50 F pour les assurances contre les incendies, 20,92 F pour les biens de main-morte (sorte de taxe sur les legs faits à la commune), 45,85 F pour les contributions de biens communaux et même 1 F sur l'abonnement au Bulletin Officiel". Afin d'y parer provisoirement Armand Romieu fait transférer des fonds du budget supplémen­taire vers le budget général de la Ville et une fois de plus, relève les taxes, cette fois en doublant celle sur les huiles végétales.

Le 13 mai 1879, il remonte les taxes de l'octroi d'un décime, mais le 14 juillet de la même année, les Contributions Indirectes déclarent illégales certaines des taxes votées comme celle sur les œufs et propose une taxation sur les alcools qui est qualifiée "d'insignifiante", puis sur les fourrages de 14 à 40 centimes que le Conseil Municipal ne souhaite pas mettre en place car "9/10ème des fourrages sont consommés par l'agriculture". Il ne sera pas possible de taxer la paille, ni les vins que la ville exonère en payant elle-même "l'abonnement des vendanges" à la place des 1 200 exploitants, ni les poissons de mer, "la commune ayant une telle superficie d'étangs et de rivières salées que la perception y est impossible. Ce serait jeter le trouble dans une profession qui donne à vivre à 400 familles". Toutes ces impossibilités amènent au seul choix possible: voter "un second centime additionnel sur le produit de l'octroi".

Le 13 septembre 1879, le déficit est de 44 198 F, près de 30 % du budget annuel. La seule issue possible est un prêt de 120 000 F, représentant l'équivalent de 80 % du budget de la ville, qui permettra à la Mairie de combler le trou et de continuer à mener à bien les projets nécessaires et obligatoires pour la commune. Mais déjà le 29 octobre, ce prêt, pourtant non encore réalisé, s'avère insuffisant. L'heure est aux choix parmi les projets qu'Armand Romieu souhaite réaliser. C'est ainsi qu'il ajourne la réparation de l'école ou reporte le paiement de la dette Mauzac (maison achetée pour 20 000 F sous la Municipalité de Coste-Floret et qui n'a pas encore été payée).

Pourtant la dette grossit: 72 400 F. Pour équilibrer l'exercice 1881, il fait voter une imposition de 10 centimes aux contributions indirectes, puis de 3 centimes et enfin de 7 centimes. Les travaux de l'école des garçons ainsi que ceux du cimetière sont remis et il reporte également le paiement du terrain de la chapelle des pénitents Blancs (la partie nord de la place Gambetta actuelle) à l'année suivante. Enfin, le prêt de 120 000 F est versé le 05 décembre 1880, avec un retard occasionnant des intérêts supplémentaires.

Pour recevoir tous ces suppléments de taxe, le bureau de l'octroi de 9m2 avec 2 bureaux d'accueil devient vite trop petit. Il est donc déménagé et agrandi. Situé au bout du pont (sur l'actuelle place Jean Jaurès), il est recons­truit de l'autre côté à proximité du Canalet sur des terrains des Compagnie du Canal du Midi que la municipalité louera 20 F par an. La cons­truction des 21 m2 et des trois bureaux creusera encore le déficit de 2 000 F de plus.

La gestion du quotidien

Le budget plus que serré n'ayant pas permis de projet majeur, la Municipalité Romieu situera son action sur quelques axes prioritaires: le social avec les subventions versées à l'hospice (près de 10 000 F par an) et au Bureau de Bienfaisance (près de 12 000 F par an), des aides aux familles de militaires effectuant leur service national ou la gestion de la charité Terrisse, l'éducation avec les écoles et le collège, la voirie et enfin l'eau pour laquelle la Ville met en place une réforme laborieuse qui se veut équitable. Chacune de ces actions, y compris la plus modeste, a néanmoins un coût.

L'eau

La sécheresse de l'été 1878 et la baisse du niveau de l'Hérault, qui approvisionne la ville, posent un problème récurent: celui de l'eau. Pour y remédier, la Municipalité Romieu remet à plat la tarification afin de mettre en place un système permettant de limiter les abus d'utilisation mais il faut bien avouer que ce dispositif se révèlera extrêmement compliqué.

Le tarif de base étant jusque là de 20 F par ménage, il est décidé de l'augmenter de 5 F et d'y ajouter 2 F par robinet extérieur, 5 F par cheval et 4 F par bête de somme. La taxe par hectolitre passe de 2,50 F à 3 F. Les maisons avec jardin de moins de 1 000 m2 doivent s'acquitter de 25 F + 10 centimes par m2, auxquels il faut ajouter 10 F par fontaine. De plus, ce nouveau règlement oblige à l'installation d'un robinet intérieur et d'un robinet extérieur pouvant être unilatérale­ment fermé par le concessionnaire "de quelques heures à 3 jours maximum, ne donnant pas lieu à un remboursement sauf si la durée excède 15 jours". Il prévoit enfin une pénalité de 20 F par contra­vention.

Quatre mois plus tard, des modifications interviennent ajoutant encore à la complexité du système: on soustrait les m2 d'allées dans les jardins ainsi que les m2 concernant les cours et les terrasses et on prend en compte la totalité de la surface restante pour la taxe à 8 centimes par m2. La taxe sur les fontaines, "objets de luxe", passe à 20 F. Les jardins de plus de 1 000 m2 sont taxés à 5 F par hectolitre par tranche de 24 h avec un minimum de 25 F. La taxe sur les chevaux est ramenée à 2 F et on supprime la taxe de 2 F par robinet. Les cafés et limonadiers sont taxés à 40 F, les hôtels et pensions de famille sans écurie à 40 F et à 60 F si elles en possèdent une (ramenée ensuite à 50 F). Plus étonnant, les débitants de morue se voient contraints de débourser 40 F. Tout cela ne règle pas vraiment le problème car les protestations se font écho de la difficulté d'application d'une telle tarifica­tion. Armand Romieu la repousse alors d'un an, au 1or janvier 1880, afin que chacun se mette en conformité technique.

Par ailleurs, la réparation des pompes hydrau­liques devient une nécessité dès janvier 1879 ce qui représente un coût de 10 900 F. Seulement, ce remplacement entraîne d'autres coûts: construction d'un nouveau bâtiment devant abriter l'équipement et d'une chaudière pour l'alimenter assortie d'une cheminée et préparation des canalisations pour la raccorder. Montant total de l'opération: 39 600 F à prélever sur l'emprunt de 120 000 F.

La voirie

Armand Romieu poursuit la politique de Coste­Floret en ce qui concerne l'alignement des rues. Comme lui mais avec aussi peu de succès, il souhaite se dessaisir de la gestion d'une partie des chemins vicinaux en les transférant au Conseil Général, car le coût de leur entretien grève le budget de la Ville. De nouvelles dépenses sont donc engagées: alignement du CD 32 (du Grau d'Agde à l'Agenouillade), du chemin de Rochelongue, de la rue du Peyrou et de la rue de Saint-Loup; création du chemin vers le nouveau cimetière (rue de l'Egalité) ou du branchement du chemin de Sauzède à la route départe­mentale; élargissement de la rue des Accoules ; réfection des chemins du Parquet, de Saint­Michel, du Bagnas, de la Provision, de la Treille, du Capiscol, de la Cosse, de Notre-Dame du Grau, de la Pagèze, de Janin ainsi que des voies communales 14 (Agde - Sète) et 18 (actuelle avenue Victor Hugo) ; pavage de la Grand'Rue (Jean Roger), de la rue de l'Amour, de la rue du Rocher etc. Ce sont à chaque fois entre 1 000 F et 3 000 F qui sont investis.

La rade de Brescou

Dans les premiers mois de 1878, le Conseil Municipal réactive auprès du Ministre des Travaux Publics, le projet ancien d'un grand port dit "Port Brescou". En effet, "un grand nombre de bateaux viennent se perdre sur le littoral des quartiers de Cette (Sète) et d'Agde faute d'un port dans les parages". C'est donc autant "pour l'intérêt de la navigation que celui de l'humanité" que le projet est décidé. Il bénéficie de forts appuis comme celui du Vice-Amiral Pothuan, ancien Ministre de la Marine et du Vice-Amiral Tomasset, Président de la Société remplacés car ceux-ci sont trop petits pour le nombre de pensionnaires: 300 F. On répare l'école des filles: 3 800 F. On agrandit l'école des garçons de deux classes: 11 700 F.

Romieu dit alors "le nombre d'élèves qui se présentent est tel qu'il n'est pas possible de les admettre tous. L'établissement n'a que cinq classes et ne peut y suffire". l'achat de livres prévus à 75 F est d'ailleurs porté à 175 F auxquels s'ajoutent les traitements des instituteurs soit 2 100 F par an. Côté filles, c'est pareil: une classe de plus, la cinquième, et une institutrice supplémentaire. le collège suit la tendance: une chaire de 5ème et 6ème et un professeur de "latinité" en plus dont le salaire n'est pris qu'à moitié en charge par le département, soit 900 F de plus à la charge de la Ville.

Seule l'année 1880 verra un sérieux coup de frein aux dépenses dans ce domaine, avec !'annulation des travaux de l'école des garçons, d'un montant de 9 000 F.