Armand Romieu Maire d'Agde de 1882 à 1885

Armand Romieu est né en Agde le 28 novembre 1830. Il est le fils de Jean­Pierre Romieu, négociant en vins et ancien Maire d'Agde et de Marie Brémond sans profession. Marié à Clémence Portal le 17 décembre 1855, il est lui même négociant en vins et réside rue de la Poissonnerie, où il mourra le 13 mars 1891 à l'âge de 60 ans. Son fils, Armand Romieu de Portal sera lui aussi, après son grand-père et son père, élu à son tour 1 er magistrat de la Ville d'Agde le 20 mai 1888.

Déjà Maire d'Agde de 1878 à 1881, Armand Romieu retrouve son poste par nomination du Sous-Préfet de Béziers le 4 novembre 1882 à la suite des élections d'octobre. Il ne sera toutefois installé que le 3 décembre de la même année avant d'être réélu le 4 mai 1884 avec les mêmes adjoints. Son équipe est sensiblement la même que celle de son précédent mandat, et sera en tous cas unie autour de son Maire contrairement à la Municipalité d'André Merliac. Alphonse Daurel est nommé Premier Adjoint, Aimé Blachas qui succèdera à Armand Romieu au poste de Maire en 1885, Deuxième Adjoint. Parmi les nouveaux membres du Conseil Municipal figurent également Marcel Crouzilhac, qui sera élu Maire en 1892 et, à partir de 1884, Charles Laurens, architecte de la ville "répudié" par l'ancien Maire André Merliac et par ailleurs oncle du propriétaire du château, Emmanuel Laurens. Les débuts de ce deuxième mandat seront surtout l'occasion de remettre en cause, quand cela est encore possible, tout ce qui a été entrepris par la muni­cipalité précédente. Par la suite Armand Romieu reprendra ses habitudes municipales, à savoir mener des réformes laborieuses et complexes, tout en essayant de gérer au mieux les finances. Cette mandature verra néanmoins un changement très important dans le fonctionnement des Conseils Municipaux, "la nouvelle Loi (municipale) obligeant à la publicité des séances du Conseil". En clair, les citoyens peuvent désormais assister aux débats qui se tenaient jusqu'alors à huis clos. Du coup, on achète 60 chaises, des barrières et on procède à divers aménagements.

C'est aussi durant cette mandature, le 18 août 1885, que la recette municipale et la perception d'Agde sont disjointes selon l'article 1217 de l'Instruction sur la Comptabilité Publique du 5 avril 1884, présentant l'avantage "d'une gestion séparée des deniers de la commune et un contrôle plus strict du Maire". Elles n'avaient pourtant été réunies qu'en 1879.

A nouveau, des dépenses qui grèvent lourdement le budget

Il faut en préambule solder les comptes de la gestion d'André Merliac. La majorité des premières délibérations concerne des impayés de la Municipalité précédente que les divers créanciers viennent réclamer. 3 410,30 F puis 147,22 F pour l'entretien de la machine hydraulique qui fournit une partie de l'eau potable de la ville, 371,25 F pour divers travaux du plâtrier, 41,50 F pour un notaire, 425 F pour le serrurier, 995,50 F puis 500 F pour le menuisier, 89,79 F pour la pose d'un parquet, 400 F pour le loyer de l'école communale, 120 F pour un hôtelier ayant logé les ouvriers construisant le château d'eau et la machine hydraulique, 2 018 F pour diverses fournitures des marchés de 1881, 901,34 F pour un notaire, etc

Les pompiers se rappèlent également au souvenir des responsables municipaux car si André Merliac avait recréé le corps d'Agde, il avait négligé d'établir une convention pour le paiement des hommes, ce qu'André Romieu officialisera rapidement. Ce nouveau mandat commence aussi par des déCisions qui, si elles ont un but louable, comme "l'uniformisation des secours (financiers) accordés aux anciens employés de mairie ainsi qu'aux veuves de ceux-ci", participent à l'augmentation du déficit. En mai 1883, celui­ci est déjà de 34 634,30 F. Il est comblé dans un premier temps par l'excédent du budget de 1882 qui s'élève à 62 662,28 F. Pourtant la Commission Finances tire la sonnette d'alarme dès le 2 août 1883 après qu'elle ait constaté un nouveau déficit de 30 000 F. Armand Romieu essaie de se restreindre mais rien n'y fait. Ainsi un emprunt de 26 000 F est décidé, mais là encore, mauvaise surprise: le taux est passé de 4,25% à 4,50%. Enfin, le 2 juin 1885, le compte d'administration présente un résultat négatif de 8 600 F, alors même que toutes les dépenses n'ont pas été engagées. Il est donc décidé une taxe supplémentaire de 4 cts sur les contributions directes ( 52 000 F espérés) et une autre sur les baux accordés par la ville, pour un produit évalué à 1 105 F. Vient s'y ajouter la vente d'un terrain pour 500 F, soit une recette totale de 17 660,57 F. Côté dettes, le passif de départ est de 21 668,05 F, dettes qui "sont dues depuis longtemps et dont on ne peut différer le paiement", auxquelles vien­nent s'ajouter les dépenses futures inscrites au budget, soit 8 336,86 F. Comme à l'accoutumée, ce sont les taxes qui sont relevées, mais, comme par le passé, Armand Romieu jongle avec les finances. Son idée est d'emprunter 500 000 F sur 50 ans (le budget général de la commune est alors de 305 747,20 F) pour "solder les dettes avec un remboursement en taxe de 25 à 26 cts ce qui laisserait près de 194 000 F pour les travaux nécessaires" .

Les débuts difficiles de l'école laïque

Enseignement: de nouveaux coûts

Pour les écoles communales des filles et des garçons, le maigre budget accordé ne permet que des réparations de fortune jusqu'à la "mise en demeure" de l'Inspecteur Général de l'Inspection Académique "d'acheter tous les objets scolaires complémentaires qui manqueraient presque totalement à ces établissements".

Par ailleurs et pour mettre à niveau les salaires, Armand Romieu les augmente de 100 F par an, ce qui accroît les contributions directes en 1884 de 4 cts, puis celui de la Directrice de la maternelle qui passe de 800 F à 1 200 F. Les instituteurs se voient eux aussi accorder 100 F supplémentaires.

Le collège, ses réparations...

En juin 1882, sous la Municipalité d'André Merliac et à la suite de restrictions budgétaires ayant entraîné un manque d'entretien, des répa­rations urgentes sont à effectuer au collège, pour un montant de 20 000 F. André Merliac avait refusé les 8 000 F d'aide que le Ministre lui avait offert pour financer cette action, faisant là l'économie d'actes administratifs. Contrairement à André Merliac, Armand Romieu accepte cette subvention de 8 000 F et emprunte à la Caisse des Ecoles 1 200 F qui seront remboursés par une imposition de 0,5 cts jusqu'en 1913. En mars 1883, "les mesures d'urgence prises pour assurer l'hygiène et la salubrité des bâtiments destinés à l'instruction publique" sont l'occasion d'un bras de fer financier avec l'Académie qui, par une lettre du Ministère de tutelle, insiste pour que ces travaux soient effectués sans délais sur les deniers municipaux. Armand Romieu, qui connaît naturellement la situation financière précaire de la ville, accepte sous condition que le financement soit assuré pour moitié par l'Etat, ce qui deviendra dès lors une condition récurrente pour toutes les demandes faites au Ministère de l'Education. Ainsi le chan­gement de sanitaires qui suivra sera financéselon cette modalité, tout comme l'installation du gaz pour l'éclairage et ses nouveautés...

Février 1883 marque la création de deux chaires de 3ème et de 4ème pour les classes d'histoire et de philosophie, soit un budget supplémentaire de 4 200 F financés à 50% par la ville et à 50% par l'Etat, car "la population scolaire est relativement considérable" et les résultat sont bons "3 candidats sont reçus bacheliers sur une classe de 10 élèves". Dans la foulée, le Conseil Municipal décide la création d'un cours de gymnastique, pour lequel il commande en septembre 1884 un tra­pèze et une barre fixe, et établit M. Rey comme professeur de gymnastique pour un salaire de 600 F par an. En février 1885, Armand Romieu décide la création d'une chaire de lettres là encore à condition que l'Etat accorde 50% du budget, soit 950 F par an.

Afin d'encourager les enseignants qui hésitent à rester en Agde, le Maire fait voter en mai 1883 une augmentation de leur traitement de 200 F par personne. En effet, selon le Maire, "les pro­fesseurs considèrent Agde comme un collège de transition, sinon un poste de disgrâce".

Eau : la révision du système de distribution et de facturation

Si le premier mandat d'Armand Romieu fut l'oc­casion de se pencher sur le système de facturation, le second est consacré à la révision du système de distribution, qui fut également l'occasion de frais supplémentaires. En effet, la nouvelle cana­lisation, dont les travaux avaient débuté sous la Municipalité Merliac, fait encore parler d'elle. La profondeur de sa mise en place
( 0,80 m) n'est pas suffisante pour la mettre à l'abri du trafic routier qui risque de la détériorer. Il faut creuser plus profond à 1,25 m, soit un coût supplémen­taire de 15 000 F. Se pose ensuite la question du parcours validé par Merliac : depuis le bord de l'Hérault par l'impasse des Cordeliers, la rue des Vachers (l'actuelle rue Mirabeau), la rue Rigal, la Promenade jusqu'à l'actuelle Place du 18 Juin et son réservoir (ce dernier irriguant les rues de l'Amour et de la République) sans oublier le réservoir de la Glacière "en contre haut", qui alimente le cœur de ville. Le risque de cette planification, qui prévoit que la distribution se fasse donc du bas vers le haut, est de voir les tuyaux exploser sous des "coups de bélier de la machine à vapeur à chaque ouverture de robinet" (c'est-à-dire de sur-pression), car le système va à l'encontre de l'écoulement naturel de l'eau. Armand Romieu suivra la solution de Charles Laurens, redevenu architecte de la Commune, préconisant de faire monter l'eau en priorité au plus haut de la ville puis de la redistribuer en descendant, vers le cœur de ville et vers le réseau partant du haut de la Promenade, sup­primant au passage le réservoir de cette dernière, "bâtiment encombrant qui gêne la circulation publique". Là encore ce changement ajoute 4 000 F au budget. Le nouveau tracé est soumis au Préfet qui !'accepte mais préconise le maintien par sécurité du bassin de la Promenade qui représente 445 m2 alors que celui de la Glacière ne compte que 247 m2. La machine hydraulique produit près de 1 000 m2 par jour et en cas de crue ou d'arrêt, elle est relayée par la machine à vapeur "Dans ces conditions, le réservoir de la Promenade ne paraissant pas nécessaire, il y aurait avantage à le transformer en bassin d'agré­ment avec grille et jet d'eau". Afin de se laisser le temps de la réflexion, il sera "gardé durant une période de test du nouveau réseau."

Voirie : des problèmes liés aux ouvrages d'art

A partir de janvier 1883 et après la réhabilitation des axes routiers les années précédentes, ce sont les ouvrages d'art qui font parler d'eux. Le Pont de Saint-Bauzile, vers Marseillan, aujourd'hui disparu, est à nouveau l'objet d'une interdiction de circuler à la suite des inondations de l'hiver. De même, celui de la Sauzède, à côté de l'Ecluse Ronde, est rehaussé car il est envahi par les trop-pleins du Canal du Midi et de l'Hérault, tout comme le pont sous la voie ferrée, route de Marseillan, à côté duquel on creuse un fossé d'évacuation qui se révèle peu efficace.

L'un des plus grands chantiers est l'ouverture d'une rue dite "du Jardin de l'Hospice" (proba­blement le prolongement de l'actuelle rue Blanchard) depuis la rue de la République jusqu'à la rue de la Charité grâce à l'acquisition et à la démolition d'un moulin à huile appartenant à Mme Carriès, projet, qui "est considéré comme d'une utilité incontestable au point de vue de l'hygiène et de la salubrité dans ce bas quartier de la ville généralement dépourvu d'air".

Des voies sont nommées par vagues successives: rue Victor Lachaud, rue Saint-Elisabeth, rue des Aires ou rue du Canalet, puis rue Esprit Fabre, du Bouget, Saint-Antoine, du Couvent et rue Corte.

Le 20 janvier de la même année le chemin vicinal no19 dit "de la Gare" (l'actuelle avenue Victor Hugo) est pavé.

En juillet 1885, le Conseil Général souhaite déclasser certaines routes départementales au profit de la Commune, avec, bien entendu, les frais d'entretien qui s'y rattachent. Le Conseil Municipal rejette logiquement la proposition et souhaite de plus que certains axes, comme la route très fréquentée menant à Marseillan, soient départementalisés "au w du trafic commercial entre ces villes". Il est a noter que c'est aussi sous la Municipalité Romieu que se concrétisera l'achat aux Ponts et Chaussées des "Dunes de la Tamarissière", projet datant de 1875, au prix de 7 000 F.

Une réforme (trop) complexe : les droits de place

En novembre et décembre 1884, Armand Romieu se penche sur les droits dus par les commerçants et les forains occupant les espaces publics. Il est vrai que sa volonté est de simplifier et d'accor­der les multiples tarifs qui s'appliquent, mais aussi de les relever. A l'instar de sa précédente réforme sur les tarifs de l'eau en 1878, celle des droits de place va s'avérer aussi compliquée que celle qu'elle remplace. Avec vingt pages de décisions dans le Registre des Délibérations du Conseil Municipal, le record est atteint. Les rues sont tarifées selon leur fréquentation supposée, selon les produits vendus, selon qu'il y a une bête de somme ou pas, selon que les commerces sont sédentaires ou non, selon leur proximité avec la halle (l'actuelle Maison du Cœur de Ville) sans oublier tout un lot d'exemptions comme pour les échafaudages, les quais pour les pêcheurs ou le lavage des barriques dans le fleuve. Les tarifs prévoient même le cas du déplacement de la halle. Cette réforme est si complexe que même les Conseillers sont perdus: "un membre fait observer qu'il lui paraît assez difficile de se rendre compte à la première audition des modifications proposées. Il estime plus raisonnable de ne pas pousser plus loin cette discussion". Le Conseil fera donc une pause d'un mois avant de reprendre cette question à la réunion municipale suivante. La tarification sera par la suite appliquée sans grandes modifications.

Le retour du choléra

Mai 1884 marque la réapparition du choléra, d'abord dans le port de Toulon puis dans toute la région. Armand Romieu décide alors de mettre l'accent sur les mesures hygiéniques préventives. Le 24 mai, le Conseil Municipal approuve de "faire circuler le plus d'eau possible dans tous les quartiers". Les machines hydraulique et à vapeur fournissant l'eau de la ville sont mises en marche jour et nuit et les égouts désinfectés à la chaux tous les matins, de même que tous les lieux d'aisance au moyen de chlorure de chaux ou de sulfate de fer. Le lavoir est déplacé pour l'éloigner des rejets des égouts et même les voyageurs descendant en gare d'Agde sont désinfectés avant de pouvoir entrer en ville.

2 500 kg de chaux sont achetés et très vite le budget de 1 000 F prévu est épuisé. On vote 2 000 F supplémentaires, prélevés sur l'enveloppe prévue pour l'entretien des chemins ruraux. En septembre 1884, on dresse un bilan financier. 3 368,29 F supplémentaires sont dégagés pour régler par exemple l'employé supplémentaire chargé de faire marcher les systèmes de distri­bution d'eau la nuit, la construction des locaux en bois où l'on désinfectait les voyageurs de la gare, ou pour dédommager les familles dont certains biens avaient été brûlés à titre préventif après la mort de l'un de leurs membres.

C'est à l'occasion de l'apparition de cette maladie et dans des buts sanitaires évidents que l'un des Conseillers Municipaux, M. Reugnier, déclare qu"'il faut habituer la population à déverser les matières fécales ailleurs que dans la rue. Certes ce n'est pas leur faute puisque aucune adminis­tration ne leur a donné les moyens de déverser ailleurs". En fait, ce qu'il propose n'est rien d'autre que la création des "Tinettes", idée qui sera malheureusement rejetée par le Conseil par 8 voix contre 5, le 8 juillet 1884, mais qui fera sa réapparition quelques années plus tard.

Après le Phylloxéra, le Mildiou

11 933 F, c'est ce que devra payer la ville, le 29 septembre 1885 aux contributions sur la base d'une récolte "ordinairee : 11 657 hectolitres, c'est tout ce que produira la vigne cette année­ "L'abonnement aux vendanges" (taxe payée par la ville pour le compte des viticulteurs) est un bon baromètre de la santé économique de la ville. En novembre 1882, celui ci est de 9 547,02 F pour 75 762 hectolitres produits par les terres agathoises. Le 12 septembre 1884, on constate l'ampleur de la catastrophlà. La cause en est double: les gelées de printemps ainsi que la sécheresse de l'été. Le pire est pourtant encore à venir. L'administration fiscale continue de réclamer 14 320 F de taxes, soit 2 386 F de plus qu'en 1883, somme qu'Armand Romieu paiera dans "un seul but de conciliation". Les prévisions de la récolte de septembre 1885 sont pires encore: "la généralité des vignes de la commune ne donnera pas cette année la moitié d'une récolte ordinaire" (phrase désormais récurrente chez Armand Romieu car déjà utilisée mot pour mot en septembre 1879). Aux gelées et à la sécheresse vient s'ajouter l'apparition d'une nouvelle maladie: le "Mildiou" (champignon ou algue de la vigne découvert en 1878 en Gironde, attaquant les pousses, les feuilles et les fruits. Sa propagation est très rapide car les zoospores (les œufs) se disséminent avec les pluies et les inondations hivernales des terrains qui sont justement pratiquées à Agde pour lutter contre le Phylloxéra). Puis, le 5 sep­tembre 1885, les inondations de la rive gauche de l'Hérault réduisent encore de moitié ce qu'il restait de production. Seuls 7 577 hectolitres seront sauvés. Pourtant l'imposition reste stable.

Les suites du règlement du legs Lachaud

C'est bien ici le seul domaine pour lequel André Merliac et Armand Romieu auront la même position: garder le legs fait à la ville en dépit de la contestation d'une partie des héritiers de Victor Lachaud. Le 16 avril 1883, une lettre du Préfet est lue au Conseil Municipal. Celle-ci demande des informations sur "l'origine de la fortune et sur la situation des opposants", car ceux-ci contestent toujours le testament. Pourtant, ce dernier "charge la ville de payer à ses parents naturels la somme de 30 000 F, un an après son décès, représentant la valeur des biens que le défunt aurait recueilli dans les successions de ses parents." Pour ce qui est des contestataires du testament, Victor Lachaud avait prévu le cas: "si l'un ou plusieurs d'entre eux voulaient faire modifier ses volontés, ils seraient non seulement privés de la part qui leur reviendrait dans le legs particulier, mais encore de leur part dans la succession naturelle". Or, le Maire constate qu'un seul héritier de chaque branche de la famille a fait opposition, "ce qui démontre leur entente préalable avec les autres héritiers". Le Conseil Municipal est d'avis "qu'il n'y a pas lieu de prendre en considération l'opposition formulée par les héritiers". Par ailleurs, la fortune de l'homme est évaluée à 735 847 F. En février 1884, les héritiers présentent toutefois un mémoire à l'appui de leur appel devant le Conseil d'Etat argumentant sur différents points. Selon eux, le legs fait à la ville est basé sur "un désir immodéré de célébrité posthume" du défunt et non "sur des dissentiments de famille qui auraient poussé ce dernier à exhé­réder (déshériter) ses héritiers. (...) la situation de famille des opposants étant digne, pour les uns de pitié, pour tous d'intérêt, charité du testateur trouvait tout près de lui de quoi s'exercer utilement". Un autre argument est défendu par les héritiers: "la disposition testamentaire en question est injuste pour ceux qu'elle omet, n'est pas rationnelle en ce qui concerne la ville qu'elle gratifie, puisque d'une part, cette ressource ne lui était point nécessaire en l'état de son budget et que d'autre part le service (ou) était déjà assuré par une sub­vention de dix mille francs obtenue de la ville elle­même". Armand Romieu et le Conseil Municipal y répondent longuement (6 pages dans le registre des délibérations du Conseil) en reprenant tous les points. "Sans doute le généreux donateur n'était pas insensible à (n.) la reconnaissance de ses concitoyens". "le sieur lachaud n'a laissé à son décès aucun parent en ligne directe. (...) Il avait la plénitude du droit de disposer de ses biens". En outre, Armand Romieu déclare, liste des biens à l'appui, que "ces héritiers sont tous dans une position ou opulente ou aisée". Quant à la subvention, le Maire y répond en reprenant tous les budgets de l'établissement, déficitaires et renfloués par la Mairie depuis 1789, année d'ouverture, et en se projetant sur les années à venir, il démontre que les dividendes de la succession ne pourront pas couvrir le fonctionnement de l'asile: "il ne sera pas possible d'y pourvoir complètement avec les intérêts produits par le capital restant". En conclusion, "le Conseil Municipal a pleine confiance que le gouvernement ne voudra pas produire un aussi regrettable résultat et accordera purement et simplement l'autorisation d'accepter ce que sollicite la commune." En attendant, il faut régler ses honoraires à Me Bressot, avocat montpelliérain représentant la commune dans cette affaire, soit 500 F. Le 4 mai 1885, une lettre du Ministère de l'Intérieur datée du 31 février est lue, concernant les propositions du Conseil d'Etat pour le règle­ment de l'affaire. Celles-ci sont de deux ordres: la reconnaissance de "l'établissement d'utilité publique", ce que le Conseil accepte, mais aussi "l'abandon au profit de la famille du testateur d'une somme de 50 000 F", ce que le Maire refuse sur la base du testament lui même: "la condition expresse que la totalité en serait exclusivement employée à ouvrir et assurer les services de l'asile bâti par lui", le testament "ne peut accepter aucun changement ni souscrire aucun changement de nature à diminuer le legs sans porter atteinte aux intérêts des pauvres vieillards". Enfin, "l'abandon d'une somme de 50 000 F en faveur des héritiers opposants (...) ne peut pas leur être attribué léga­lement de par le fait de leur opposition à l'exécution du dit legs".

Armand Romieu, tout comme André Merliac, ne verra pas en tant que Maire cette affaire résolue. C'est à Aimé Blachas, élu Maire en décembre 1885, que reviendra la mission de poursuivre les efforts municipaux pour tenter de trouver une solution à cette succession. A suivre...