Jacques-Antoine Coste-Floret Maire d'Agde de 1853 à 1878

Une « époque de progrès » pour la cité d'Agde

Durant 25 ans, Jacques-Antoine Coste dit Coste-Floret sera le premier Magistrat d'Agde. Sous la mandature de celui qu'on décrit habituellement comme un excellent administrateur, la ville va entrer dans "l'époque du progrès". Récit.

25 années de gestion

Le 6 juin 1853, par décret impérial, Jacques Antoine Coste-Floret, alors âgé de 38 ans, devient Maire de la Ville d'Agde. Il est, à l'époque, déjà très présent dans la vie politique, puisqu'il siège depuis 1848 au Conseil municipal et qu'il a été élu en 1852 Conseiller général du canton. "En l'absence du Maire et de ses adjoints, le premier conseiller municipal Philip convoque ses collègues sous la présidence du Sous-Préfet, qui fait donner lecture" du décret, nommant Coste-Floret Maire de la Ville, "en remplacement de M. Dolques.

Ancien Président du Tribunal de Commerce, industriel et membre du Conseil Municipal depuis 1848", Coste-Floret prend en main les destinées de notre Ville et restera Maire jusqu'au 10 octobre 1870, où suite à la chute du second Empire, il est déposé, après 17 ans d'administration générale. Il sera néanmoins réélu quelques mois plus tard, le 6 mai 1871, après l'intérim de Jean-Baptiste Bellonnet, commerçant agathois nommé Commissaire Spécial de la Commune d'Agde, et exercera ses fonctions jusqu'en février 1878, date à laquelle le Président Mac Mahon, par décret, le remplace par Armand Romieu. Il continuera cependant à siéger au Conseil Municipal.

Sous le second Empire, en 1869 précisément, Coste-Floret est élu député de l'Hérault, après avoir battu le républicain Jules Simon. Siégeant dans la majorité, avec une certaine discrétion, il soutiendra le gouvernement de centre droit jusqu'à la fin du régime, le 4 septembre 1870.

Une vague de modernité

Avec Coste-Floret, Agde entre dans la modernité.

Ainsi qu'il le déclare lui-même, dans son discours d'investiture en 1853, en réponse au Sous-Préfet, "l'époque du progrès est arrivée pour notre ville...". Coste-Floret va mettre en place "tout un programme d'améliorations à réaliser. Ce fut en effet avant tout un administrateur", note le Docteur Picheire dans son livre sur l'histoire d'Agde. Durant son mandat, Coste-Floret va s'employer à moderniser la ville.

Ainsi, en est-il, dans le domaine urbanistique, de la disposition des rues, jugées "moyenâgeuses". "Tout au long de sa magistrature, le Maire se préoccupe de l'alignement des rues, dont il a fait dresser un plan par l'architecte de la ville, M. Blachas ; besogne de longue haleine qui, sans aboutir à la perfection, rendit la circulation plus aisée, par la suppression de nombreux points d'étranglement, en particulier au Portalet et à la rue des Accoules (rue Louis Bages). Les constructions nouvelles durent se soumettre à un plan d'implantation". L'avenue de la gare (aujourd'hui avenue Victor Hugo) sera ouverte en novembre 1858, au terme de l'achèvement de la ligne Bordeaux-Sète et de la construction de la Gare d'Agde, inaugurée le 08 octobre 1857. Il faut souligner à ce sujet les nombreuses "interventions du Maire auprès des autorités supérieures ou des dirigeants de la Compagnie, pour obtenir l'achèvement de la ligne directe entre Béziers et Marseille par Agde, ainsi que l'ouverture de voies secondaires vers Rodez ou d'un chemin de fer d'intérêt local vers Marseillan et Mèze".

Enfin, le Maire commande "225 plaques de faïence, portant le nom des rues, (...) à Labry, fondeur à Montpellier, au prix de 4 francs l'une". Parallèlement, ainsi que le relève le Dr Picheire, "la question des chemins vicinaux" sera régulièrement à l'ordre du jour, le Conseil s'évertuant "à les entretenir et, quand il le peut, à les faire classer comme route départementale".

L'éclairage de la Ville sera lui aussi transformé, grâce à l'installation d'une première usine, inaugurée en 1865, quai des Chantiers. Coste-Floret veut en effet doter Agde de l'éclairage au gaz, en lieu et place des lampes à huile existantes, dont le système est "bien défectueux".

Dès 1856, le Maire fait donc "étudier le projet par la Cie "L'Union du Gaz" mais son exploitation "en fut jugée trop onéreuse". C'est finalement l'offre du "sieur Williams Perkins, ingénieur à Paris", qui sera retenue, en février 1851. La Ville fournit "le terrain et une contribution pécuniaire de 154 000 francs", l'ingénieur se charge "du reste et en particulier de placer 151 becs pour l'éclairage de la ville; la concession devait durer 36 ans et le prix du gaz (...) en aucun cas dépasser 56 centimes le mètre cube; la ville jouissait d'un tarif de faveur qui pouvait être dégressif", note le Dr Picheire.

Mais le succès n'est pas immédiat. Si l'on compte sur une consommation importante des particuliers "surtout (...) les cafés dont on dénombrait 5 de premier ordre, 9 de deuxième ordre et 6 de troisième ordre", la population "en majeure partie, n'adopta ce nouveau mode d'éclairage qu'avec circonspection". Ainsi Perkins finit-il par céder ses droits à Kléman et Mounier, qui fournissent le gaz "au prix maximum de 22 centimes le mètre cube", avant de vendre à leur tour l'exploitation à la Cie Genevoise en mars 1873.

Autre domaine concerné par cette vague de modernisation: l'organi­sation de la distribution d'eau. L'installation de bornes-fontaines se poursuit avec Coste-Floret, à qui l'on doit notamment l'édification de la fontaine connue aujourd'hui sous le nom de Belle Agathoise.

Le projet est confié au sculpteur Auguste Baussan le 24 février 1858. La maquette sera exposée au Musée de Montpellier puis "modifiée suivant l'appréciation d'hommes compétents" souligne le Dr Picheire. Baussan réalisera une figure allégorique de la ville "en marbre d'Italie pour (...) 7 000 F, avec trois tigres en marbre blanc d'Afrique évalués à 3 000 F".

C'est également "sous son administration, note l'archiviste François Mouraret, que fut racheté, par souscription publique, le complexe monumental de Notre-Dame du Grau. Ce centre de pèlerinage avait été pris, sous la Révolution, comme Bien National et racheté le 12 juin 1868 par le Docteur Emmanuel Martin "dans l'unique but d'empêcher que la propriété de Notre-Dame du Grau fut divisée et ne tombât aux mains de personnes étrangères à la Ville d'Agde et que la Chapelle cessât d'être consacrée au culte catholique". Le détail de la souscription figure dans une brochure de 1874. Le Maire lui ­même y souscrit "100 francs", une belle somme pour l'époque (son nom figure en page 36).

Enfin, on doit à Coste-Floret plusieurs grandes réalisations, à commencer par la construction d'un abattoir moderne, aujourd'hui siège des ateliers municipaux, qui fut inauguré en 1865.

Cet aménagement, souhaité depuis longtemps par la Ville, va dans le sens d"'une meilleure hygiène", permise déjà par "l'élargissement de certaines rues" et "la mise en place de points d'eau".

Un nouveau cimetière est également créé après 1856, en remplacement de celui situé depuis 1805 sur l'emplacement de Victor Lachaud. "A la demande du Maire, le Conseil Municipal décida en 1855 d'acheter le champ du sieur Arnaud et d'y établir un nouveau cimetière (...) de 10 000 m2 environ". Le transfert des tombeaux sera entériné lors du Conseil Municipal du 18 novembre 1875.

Enfin, dernier grand projet, mais nom des moindres, réalisé sous le mandat de Coste-Floret : la construction d'un collège au Jeu de Ballon, devenu par la suite le Lycée Auguste Loubatière et aujourd'hui la Maison des Savoirs. Ainsi que nous l'apprend le Dr Picheire, "nos administrateurs (...) ne perdirent jamais de vue l'instruction de la jeunesse". Si l'enseignement primaire ne pose pas de problème, en revanche, il n'en est pas de même pour l'enseignement secondaire, réalisé "d'une manière précaire". Le collège de l'époque est un collège libre, installé dans un local modeste "vraiment insuffisant", ce qui pousse le Maire à proposer, le 14 février 1856, "de bâtir un collège neuf, à l'extrémité du Jeu de Ballon, à cette époque déserté par les joueurs. L'emplacement, précise le Dr Picheire, devait être dégagé par la démolition des remparts, qui fermaient cette place sur le côté sud". Le devis initial se monte à 26 250 francs; les travaux ne seront réellement achevés par l'entrepreneur Quercy qu'en 1861 mais l'établissement accueille les élèves dès 1860. Il compte, "sous la direction de M. Viguier (...) 40 pensionnaires et 100 externes". Aux travaux initiaux, M. Viguier demandera en septembre 1861 "l'autorisation d'ouvrir, à ses frais, une chapelle au rez-de-chaussée, dans la partie donnant sur la rue Napoléon", actuelle rue de la République.

Jugeant que la formule du collège libre n'offre pas aux familles "la stabilité qu'elles étaient en droit de réclamer", la ville "d'accord avec l'Académie", le transforme rapidement en "collège communal" et s'engage "à garantir pendant 5 ans le traitement d'un principal, de 4 régents et d'1 maître d'études; le principal devait, de préférence, être un prêtre". Ainsi que le rapporte le Dr Picheire, « le cycle des études et le nombre de chaires" seront "progressivement orientés vers les sciences, dont la connaissance répondait davantage aux besoins de notre jeunesse ».

Comme on peut le constater à la lecture de cette liste non exhaustive, le visage de la Ville d'Agde aura notablement évolué sous la mandature de Coste-Floret, ainsi qu'il s'y était engagé en 1858.

La famille Coste-Floret

Jacques-Antoine Coste, dit Coste-Floret, naît à Agde (lie Saint-Sever) le 27 août 1814. C'est le premier enfant du négociant Barthélémy, Antoine Coste qui avait épousé Gabrielle, Magdeleine, Maximilienne Floret le 30 octobre 1813. Ainsi que le précise François Mouraret, dans son article, "on connaît peu de choses de son enfance et de sa jeunesse" sauf qu'il les passe dans une "ambiance bourgeoise de commerçants fortunés, qui lui permit une instruction et une éducation au-dessus de la moyenne". La famille est "résolument bonapartiste" et compte quelques membres illustres. Ainsi son père et son oncle Julien étaient tout deux dignitaires de l'une des deux loges maçonniques d'Agde. Sa mère, Gabrielle, est la sœur du poète occitan Balthazar Floret, auteur de "La Bourrido Agatenco" (pot-pourri agathois, dans lequel sont réunis pièces en vers, chansons et épigrammes écrites entre 1815 et 1865). Enfin, Jacques-Antoine est le petit­fils, du côté de sa mère, de Jean-Antoine Floret. Ce marchand fut Maire d'Agde sous le Directoire et le Consulat (son nom figure sur la fontaine Bonaparte). Il fut auparavant Chef de la Garde Nationale sous la Révolution et emprisonné au Fort Brescou en 1793 pour avoir rayé des noms de la liste des suspects.

II semble, ainsi que l'écrit François Mouraret que Jacques-Antoine ait "abusivement" pris le nom de Floret. C'est son fils, Ingénieur des Arts et Manufactures, propriétaire du Château de Saint­-Adrien à Servian auteur de nombreux ouvrages viticoles et agricoles, qui fera la demande "de l'adjonction légale au nom patronymique Coste de celui de Floret". Cette rectification sera définitivement reconnue le 19 décembre 1899.

Jacques-Antoine meurt le 07 janvier 1890 à Vias. Il était, outre Maire de la Ville, Chevalier de la Légion d'honneur.