Marcel Crouzilhac Maire d'Agde de 1892 à 1900
Antoine Marcel Crouzilhac vient au monde le 30 avril 1846 à Agde d'où ses familles paternelle et maternelle sont toutes deux originaires. Son père Jean est avocat, sa mère, Marie Marguerite Coste, sans profession, n'est autre qu'une parente de l'ancien Maire d'Agde, Jacques-Antoine Coste-Floret (1853/1878). Propriétaire terrien, il possède un grand nombre de terres et de maisons sur la commune, essentiellement héritées, dont il se dessaisira progressivement après l'achèvement de son mandat. Agé de 61 ans, célibataire et sans descendance, il est, le 31 décembre 1907, "accepté comme pensionnaire de l'asile Lachaud et pourra y entrer le jour qui lui conviendra" ainsi que le décide le Conseil d'Administration de l'établissement. Marcel, comme beaucoup d'Agathois, y restera jusqu'à sa mort, le 10 février 1921. Il sera alors inhumé dans le cimetière d'Agde aux côtés de sa mère, dans la tombe des CosteFloret et à priori, dans l'indifférence de ses concitoyens, le tombeau ne faisant même pas mention de son nom.
Deux mandats en qualité de Maire d'Agde
En 1892, alors que Sadi Carnot est Président de la République Française, Agde est une ville de 8 000 habitants vivant principalement de l'agriculture et qui vient tout juste de sortir de la crise du Phylloxéra. Cette dernière a décimé son vignoble, qui commence alors seulement à se reconstituer.
C'est ainsi que son premier mandat sera plutôt Les élections sont fixées au 15 mai 1892. Deux listes sont en présence: celle du Conseiller Général François Salva de la "Liste Ouvrière Républicaine", qui obtiendra 974 voix, et celle de Marcel Crouzilhac. Celui-ci conduit la "Liste Républicaine de Conciliation" qui est élue à la majorité absolue et dont la Préfecture, suite à un recours déposé par ses opposants, confirme la légitimité en juin. L'action de Salva est de plus en plus critiquée et, aux élections Cantonales de 1895 où les deux hommes s'affrontent à nouveau, c'est encore Crouzilhac qui sort vainqueur avec 1790 voix contre 954. Ce dernier remporte sans difficulté, l'année suivante, les élections municipales qui se déroulent le 03 mai 1896. En effet, dans les jours qui précèdent le scrutin, les "Radicaux Socialistes" ont appelé à boycotter leur propre "liste ouvrière" qui n'est d'ailleurs composée que de 4 personnes. Logiquement, Crouzilhac l'emporte donc par 1312 voix contre 515 pour Gaydar, mais tient à préciser toutefois: "après la bataille, nous ne connaissons ni vainqueurs, ni vaincus". Il se représente aux élections du 06 mai 1900 et sera cette fois-ci battu par la "Liste de Concentration Républicaine" menée par Jean Bedos.
En 1892, le budget de la ville se monte à peine à 232 157,35 F et pourtant Marcel Crouzilhac, sitôt élu en mai, doit faire face à de nombreux défis de modernisation et à la dure réalité sociale de la cité. Plein de bonne volonté mais aussi de projets, il n'y réussira cependant qu'à moitié.
C'est ainsi que son premier mandat sera plutôt consacré à la gestion du quotidien (réalisation d'adductions d'eau et de voiries nouvelles, construction d'écoles, lutte contre les maladies...) et à la vente d'actifs comme l'usine à gaz, afin d'assainir les finances. Après sa réélection en mai 1896, et grâce aux efforts financiers réalisés auparavant ainsi qu'au lancement de nouveaux emprunts, Marcel Crouzilhac se lance dans de nombreux projets: doublement de la caserne, nouvelle station touristique, chemins de fer, halles... Des projets qui, malheureusement, n'aboutiront pas toujours...
Social : le bien-être de ses concitoyens avant tout
C'est au travers de la lecture des "minutes" du Conseil Municipal qu'apparaît cette préoccupation principale du Maire Crouzilhac pour le social. Il n'est pas rare de trouver des éléments prenant en compte cet aspect dans des délibérations sans rapport à priori comme lorsqu'il est fait état de sa volonté de "...ne pas surcharger les contribuables, surtout durant cette année (1895) où les temps pluvieux et les inondations du mois de mai ont compromis les récoltes" ou encore lorsqu'il est question des tarifs des concessions, celles à perpétuité étant revues à la hausse à 150 F, alors que celles de 40 ans restent stables à 15 F.
En avril 1893, les caisses sont provisoirement vides. D'une part, le vin s'est mal vendu et les agriculteurs ne peuvent plus payer leurs taxes. D'autre part, et depuis la réforme récente menée par l'Etat, les contributions centralisées par le Département sont reversées aux mairies seulement en juillet et septembre. La situation est telle qu'elle "obligerait même à suspendre le service d'allocations que nous faisons aux indigents, à l'hospice et au Bureau de Bienfaisance, éventualité d'autant plus fâcheuse qu'elle frapperait les pauvres et pourtant M. le Receveur se trouve dans cette obligation: suspendre les paiements ou bien poursuivre le recouvrement des impôts avec la dernière rigueur". La solution, provisoire, viendra d'une avance de l'asile Lachaud à la Ville, d'un montant de 20 000 F remboursable sur plusieurs années.
Un autre fléau s'abat sur les Agathois : les épidémies de choléra, qui débutent en mai 1893 et qui dureront jusqu'en septembre. La Municipalité achète des désinfectants "sulfate de cuivre, de fer, chaux, chlorure de chaux, eau phéniquée", les distribue, les répand, en "badigeonne les murs de la Promenade et les édifices communaux", paye les cercueils. Déjà les crédits des dépenses imprévues sont épuisés. Néanmoins, l'usine à gaz (face aux anciens abattoirs sur l'Hérault) inutilisée, est transformée en Lazaret où sont réunis les malades cholériques. On y installe une chaudière afin de désinfecter le linge des malades. On met en place des filtres à eau de type "Chamberland, système Pasteur" sur les fontaines de la ville et on arrose les quartiers. Le résultat financier de cette année catastrophique ne se fait pas attendre. "La crise que nous traversons nous fait devoir de ne porter sur le budget 1894 et primitif 1895 que les dépenses qui s'imposent par leur urgence ou qui peuvent créer des revenus pour la commune".
Marcel Crouzilhac fait également profiter ses concitoyens des découvertes médicales de l'époque. Ainsi en septembre 1894, il met en place une campagne de vaccination contre le Croup, laryngite membraneuse de nature diphtérique, découvert quelques mois plus tôt par le Docteur Roux.
Cette préoccupation sociale se retrouve bien évidemment dans l'action du Bureau de Bienfaisance, équivalent de l'actuel CCAS. La ville est découpée en deux territoires, auxquels sont affectés deux médecins sociaux. Les distributions de pain sont mises en place de manière régulière, soit environ 350 kg par an ainsi que des ateliers dits "de charité" où les pauvres peuvent gagner un peu d'argent contre des travaux d'intérêt général, qui coûtent toutefois 10 000 F à la Municipalité en 1894, au plus fort de la crise financière.
Par ailleurs et enfin, la Ville participe financièrement à l'''assurance mutuelle des pêcheurs du quartier d'Agde" et en 1899, elle fait l'acquisition d'une maison dépendante de l'asile Lachaud afin d'y loger le premier orphelinat d'Agde.
L'invention du mécénat culturel
La municipalité Crouzilhac "subventionne" tout d'abord à hauteur de 1200 F par an Ernest Azéma, un jeune Agathois qui fait ses études à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris. Une somme qu'elle complète souvent par des subventions supplémentaires. En contrepartie, Ernest fait don de nombreux tableaux à la Ville d'Agde dont "Le Berger", " La Mort de Charles IX", "Le Mari Outragé" ou encore "Prométhée" et "Le portrait de Madame Cabanel", qui orneront alors les salles de la Mairie.
En 1892, Ernest part au service militaire. C'est alors son frère Louis, élève aux Beaux-Arts d'Aix-en-Provence, qui bénéficie de sa "bourse". Ce dernier possède lui aussi un palmarès élogieux puisqu'il est médaillé de nombreux concours. En 1894, Louis rejoint Ernest à Paris, après que ce dernier ait achevé sa période sous les drapeaux. A cette époque, afin de participer au concours du Grand Prix de Rome (qu'il obtiendra d'ailleurs en 1898), Ernest se voit attribué une nouvelle subvention et c'est là encore pour remercier la ville de son soutien constant qu'il fera don, le 29 novembre 1896, de l'une de ses œuvres les plus importantes, le "Christ pleuré par les Saintes-Femmes".
A la fin du siècle dernier, le théâtre est un spectacle très couru. Agde et Cette (Sète) travaillent souvent de concert afin de mettre en place des représentations de troupes cétoises dans la ville de la Perle Noire, lesquelles sont généreusement subventionnées. A partir de 1895, l'initiative privée prend la relève avec la création en 1895 d'un casino, qui attirera "un public convenable" et "des artistes de chant et d'opérette" mais aussi avec l'installation d'une troupe de théâtre aux "Folies Agathoises", actuelle Salle Molière. L'entretien du patrimoine est aussi l'objet de l'attention municipale. A titre d'exemple, on peut citer la restauration en 1895 pour un montant de 30 000 F de la cathédrale Saint-Etienne, dont la porte monumentale est transférée à l'église Notre-Dame de l'Agenouillade en 1899. La Municipalité fera également mettre en place un carillon à l'église Saint-Sever et une plaque sur le tombeau de Claude Terrisse.
L'eau : les besoins augmentent, la qualité s'améliore
A cette époque, la plupart des foyers agathois ne disposent pas de l'eau courante. Celle-ci est surtout disponible à partir des fontaines publiques, bientôt équipées de filtres purificateurs, qui vont être multipliées au cours des deux mandats successifs de Crouzilhac pour faire face au développement de la ville. De nombreuses canalisations sont alors réalisées comme celle qui fait la liaison Agde-Notre-Dame de l'Agenouiliade en 1891-1892, celle de la Montée de Joly, en 1894 puis celle du pont suspendu de la Gare en 1898. Par ailleurs, on remplace le conduit de la rue de la République afin de doubler sa pression. En effet, l'eau "a du mal à dépasser le niveau du rez-de-chaussée".
Le 20 juin 1894, la construction d'un nouveau bassin réservoir est pour la première fois évoquée en Conseil Municipal. Le seul bassin est pour l'heure celui de la Glacière qui offre une capacité de 248 m2 alors que, selon les premières études, les besoins se montent à 2500 m2 par jour en hiver et 3500 m2 en été. La parcelle retenue pour la construction du nouveau bassin est située "au nord de la nouvelle caserne (Mirabel), à 300 m de la canalisation de la ville et à 15 m de hauteur par rapport à l'Hérault en amont du Moulin des Evêques". Au final, ce sont deux bassins qui seront construits, d'une capacité de 2500 m2 chacun, que l'on pourra entretenir sans arrêter la production afin de satisfaire la demande de la Ville, finalement estimée à 4800 litres par jour.
Dans l'attente, et suite à l'épidémie de choléra puis à la grande sécheresse de l'été 1893 à cause desquelles la consommation d'eau a explosé, la Ville renégocie le traité de concession relatif à la distribution de l'eau qui avait été conclu avec la Compagnie Waller Frères en 1890. Un accord est finalement trouvé le 21 août 1894, permettant à la Ville de faire face à l'augmentation des coûts.
Le port d'Agde : une longue lutte contre l'ensablement
Le 13 avril 1894, le constat est accablant: le port est ensablé et le chômage en hausse chez les marins. Il faut dire que cela fait 14 ans que l'Hérault n'a pas été dragué et plusieurs "barres de sable" se sont créées, déjà baptisées de leur nom géographique: Fontaine du Noyer, Chapelle du Saint-Christ, Montmorency, Poste des douanes et Tamarissière. De ce fait, l'Hérault n'offre par endroit que 2,60 mètres de tirant d'eau. L'ingénieur des Ponts et Chaussées, dans son rapport au Conseil Municipal, considère qu'il n'est pas nécessaire d'effectuer des travaux eu égard au déclin du port: 130 000 T en 1787 de marchandises débarquées, 30 000 T en 1893. Crouzilhac s'inquiète cependant de la concurrence cétoise. Il conteste les chiffres en se basant sur ceux de la douane agathoise, qui donnent un doublement du trafic entre 1887 et 1893. 250 bateaux passeraient ainsi à Agde, débarquant 250 000 T de marchandises, alors que trois agences maritimes y sont installées contre seulement une en 1887. De plus, Agde est le débouché vinicole de Béziers et l'abolition des droits de navigation sur le Canal du Midi, prévue le 1 e' juillet 1898, laisse espérer une augmentation du trafic. Dans une réclamation au Ministre des Travaux Publics, le Maire désigne donc, sans le nommer, un favoritisme financier de l'Etat envers Cette (Sète) et espère voir sa demande prise en compte "afin que nous ne soyons plus sous le talon d'une puissante rivale qui engloutit de nombreux millions. (ou) On alloue des sommes énormes aux ports voisins composés d'éléments étrangers qui, après avoir fait fortune, repassent la frontière, estime-t-il. Notre situation, Monsieur le Ministre, est celle de gens qui veulent travailler à la conquête de leur richesse momentanément disparue. Nous avons soif de paix, de justice et de travail". Malgré son combat, Crouzilhac ne verra pas se réaliser en tant que Maire le dragage du port d'Agde.
L'enseignement: une période d'investissement
Dans ce domaine, l'action de Marcel Crouzilhac, hormis les travaux nécessaires d'entretien et de modernisation des bâtiments existants, consiste pour l'essentiel en la création d'une école des filles. Le Maire ayant le choix du lieu de sa réalisation, se voit proposer trois maisons par autant de propriétaires pour des sommes allant jusqu'à 60 000 F. Mais c'est finalement l'immeuble "Pons", d'un coût raisonnable de 20 000 F, qui est retenu car il comporte "2 classes de 40 m2, un vestiaire, un magasin de 57 m2 (où pourra être installée une 3>me classe), 2 appartements de 4 pièces (pour les instituteurs), et surtout 80 m2 pour loger l'école maternelle". Le coût de la transformation est évalué à 6 000 F auxquels s'ajoutent 4 000 F de frais de notaire et d'enregistrement. Dans la foulée, et à la suite d'une "pétition de nombreux parents d'élèves" qui stipule que "la sortie des classes se fait trop de bonne heure. La plus part du temps nos enfants sont dans la rue exposés à mille dangers et nous sommes encore dans les champs", la Mairie met en place des études surveillées. Parallèlement, elle s'attache à créer une école mixte au Grau d'Agde, quartier en pleine expansion. En effet, il y a en 1895 près de 30 familles de pêcheurs installées là et leurs 35 enfants ont, pour rejoindre l'école d'Agde, " 5 km à faire sur un chemin qui longe le fleuve et qui est très dangereux pour ces bambins trop enclins à s'approcher de !'eau". Dès lors, la Municipalité Crouzilhac acquiert un immeuble "sur la place principale" qu'elle achète 10 000 F à Mme Veuve Moreau, puis "20 tables et bancs, 2 tableaux noirs avec chevalets, 1 bibliothèque, 1 estrade avec bureau et 1 carte de l'Hérault". L'école ouvre ses portes pour la rentrée 1896.
Autre sujet de préoccupation de l'époque: l'avenir de l'école agathoise d'hydrographie. Tout commence par une lettre du Ministre de tutelle lue en Conseil Municipal le 13 septembre 1892 concernant un rapport de Félix Faure, alors Président de la Commission Parlementaire pour l'Enseignement Professionnel, qui propose de remplacer les écoles d'hydrographie (les écoles navales aboutissant aux carrières dans l'armée créées par ordonnance royale du mois d'août 1681), par des écoles maritimes de commerce correspondant mieux, à cette époque, à la mutation de la marine vers le transport des marchandises. Agde possède l'une de ces écoles d'hydrographie, qui est très renommée, et le Conseil Municipal s'inquiète de sa disparition programmée. Parallèlement, en 1892, la Ville crée un collège d'enseignement classique. A l'instar de Marseille, la Municipalité agathoise fait alors un choix judicieux: elle conserve l'école d'hydrographie et organise au sein du collège nouvellement créé, un enseignement spécialisé dans la navigation maritime dont les cours seront dispensés par un professeur commun aux deux établissements. Le Conseil Municipal décide par la suite de créer de nouveaux enseignements au sein même du collège dont pourront également bénéficier les marins (cours de physique et de chimie en 1894, d'anglais et d'espagnol pour les futurs bacheliers en 1895, cours de mathématiques en 1896). Quant à l'école d'hydrographie, après l'application de la loi de séparation de l'église et de l'Etat de 1905, elle déménage au presbytère, puis disparaît en 1914 accompagnant ainsi la décadence du port d'Agde. Des projets qui s'inscrivent dans la modernité.
Le téléphone
En cette fin de siècle, la région d'Agde profite aussi des bienfaits de la Révolution Industrielle. Notre cité voit ainsi se mettre en place le téléphone, d'abord une liaison locale Agde-Le Grau d'Agde qui est opérationnelle en mars 1895 sous l'appellation de "réseau de téléphone urbain", puis en mai de la même année, une "liaison téléphonique avec Cette" (Sète), à la demande des compagnies de bateaux à vapeur fréquentant le port d'Agde. Quant à la ligne vers le Grau, elle est financée à 50 % par la Société Centrale de Sauvetage des Naufragés. Le 15 septembre 1898, une ligne Agde-Marseillan est enfin créée, afin de relier le réseau local au réseau national longue distance et ce, à l'initiative du directeur de!'usine d'acide tartrique agathoise qui prête 3 000 F sur les 6 600 F nécessaires. Le réseau devient départemental au début de l'année 1900.
Les halles couvertes Le projet de halles couvertes est proposé dès le mois d'août 1892 et concerne la "construction d'un marché couvert dans l'ancien chapitre (l'actuelle place Jean Jaurès) ou dans tout autre partie de la ville". Le constructeur serait le concessionnaire et la Ville fournirait le terrain. Cela dit, il faudra attendre 3 ans pour qu'un projet réaliste.
Le chemin de fer
Une autre avancée significative de cette fin de siècle est l'avènement du chemin de fer. La ligne Bordeaux-Sète vient d'être récemment achevée et, en juin 1894, le Conseil se penche sur une ligne d"'intérêt local" reliant Mèze et Agde, pour laquelle la Ville verse une première subvention de 4 500 F assortie d'une condition: "que la ligne Agde-Marseillan ne s'arrête pas au pont de Saint-Bauzille (en fait un pont à créer au dessus du Canal du Midi à la jonction de la ligne Bordeaux-Sète, dans le prolongement de la Montée de Joly), mais qu'elle aille jusqu'au Grau d'Agde". L'intention est ici d'appuyer la fréquentation touristique de la station balnéaire. Malheureusement, cette condition n'est pas inscrite dans la convention et le lien avec le Grau d'Agde ne sera jamais réalisé voit véritablement le jour. En effet, le marché couvert de la Mairie (actuelle Maison du Cœur de Ville) est trop exigu pour tous les commerçants qui souhaitent s'y installer et déborde sur les rues adjacentes. Le Plan d'Allard où se tient le marché aux poissons est sale et nauséabond. Plusieurs lieux sont étudiés et le seul espace libre pouvant accueillir ce bâtiment se trouve à côté de l'église Saint-André. Celles-ci, de type "Baltard", seront en tôle ondulée galvanisée sur une structure métallique et mesureront 21 m sur 29 pour un coût de 21 500 F. Suite à une visite en novembre 1896 des halles de Béziers, Cette et Narbonne, afin de réfléchir à l'aménagement intérieur, les membres du Conseil Municipal décident de revoir les portes d'entrée afin de "leur donner toute l'apparence d'un monument public". Puis on fixe le tarif des occupations des commerçants. Le "Marché Saint-André" ouvrira ses portes le 28 mars 1898.
Une nouvelle station balnéaire
Le projet de ligne reliant le centre-ville d'Agde à ses rivages renaît en octobre 1897, mais sur l'autre rive de l'Hérault. A la demande de deux associés, Messieurs Jean Moïse et Léon Goujon, Marcel Crouzilhac envisage une ligne Agde-La Tamarissière, dans l'optique de créer une nouvelle station balnéaire venant renforcer celle du Grau d'Agde. La gare de voyageurs serait située dans le bois de la Tamarissière, la gare de marchandises sur l'actuel quai Théophile Cornu. Sont aussi prévus des bâtiments d'exploitation et, plus surprenant, un parc à bestiaux. La forêt en bord de mer est considérée comme le site idéal pour l'implantation d'infrastructures touristiques: "grand hôtel, casino municipal, aquarium, kiosque à musique, cascades, montagnes russes, belvédère et toutes constructions ou plantations de luxe". Le Maire demande à l'Etat de lui céder le terrain domanial et de lui accorder des subventions, ce qu'il n'obtiendra pas, voyant ainsi son projet ambitieux anéanti.
Une seconde caserne militaire
La Municipalité Crouzilhac entretient de très bons rapports avec les autorités militaires. La présence fixe de deux bataillons du 17ème Régiment d'Infanterie, ainsi que le passage de nombreux bataillons en exercice de tir, apportent des subsides conséquents à la Ville. En 1896, Crouzilhac propose au chef des armées d'accueillir deux bataillons supplémentaires du même régiment dans la ville, soit 500 hommes de plus, arguant "de l'espace, de la qualité de l'air qui est tempéré, de la douceur de !'hiver, de l'hygiène, du champ de tir et des bains de mer". Mais pour cela, il faut construire une seconde caserne pour un montant de 400 000 F que la Ville prendrait à sa charge, donner également le terrain de 8,5 hectares à côté de la caserne Mirabel, enfin fournir l'eau potable et l'éclairage. Le coût entraîne des dissensions au sein du Conseil Municipal: 11 votes pour, 7 contre. Un accord est finalement trouvé si l'on arrive à abaisser le coût à 200 000 F. Pour ce faire, tout est revu: les rentrées espérées comme les dépenses entraînées, allant même jusqu'à comptabiliser la consommation de vin des troupes à 420 hectolitres ce qui procurerait une taxe de 16 800 F par an. Au final, la démonstration permet l'adhésion de tous. Le 12 juillet 1899, le Préfet envoie au premier magistrat une lettre du Général commandant le 16ème Corps d'Armée lui faisant part du fait "qu'au vu de la diminution des contingents, nous sommes dans l'obligation de renoncer pour le moment".
Une phrase comme un pressentiment
La dernière phrase notée dans le registre des Délibérations du Conseil Municipal semble déjà avoir un goût de défaite électorale. "De son côté, Monsieur le Maire exprime au Conseil sa vive gratitude pour sa généreuse collaboration à son administration et ajoute qu'il souhaite que les Conseils Municipaux de l'avenir soient animés des mêmes sentiments d'abnégation et de dévouement. Monsieur le Maire lève la séance." Et de fait, ce sera Jean Bedos qui reprendra les rênes de la Ville après les élections de 1900